Le blogue du Québec maritime

Le Kamouraska et ses décors
  • Kamouraska
    Mathieu Dupuis

Le Kamouraska et ses décors

Suivez le guide!

Ah le Kamouraska!
Vous savez quoi? Je réalise à l’instant qu’au cœur de son nom, il y a le mot « amour »! Ça explique sans doute mon attachement particulier pour ce secteur du Bas-Saint-Laurent. Comme tant d’autres citadins québécois d’ailleurs. Juste l’idée d’y venir passer du temps, c’est déjà se laisser aller à la détente, aux douceurs contemplatives, aux plaisirs gourmands et aux espoirs d’agréables parfums… On sait qu’on pourra se lover dans un décor aux accents de tendresse que les habitants appellent « le doux pays »! Le Kamouraska, c’est le charmant mariage concocté jadis, en des temps immémoriaux, entre le Saint-Laurent et son immense estuaire, la douce plaine et ses collines éparses…

Un grand fleuve

Le Saint-Laurent, bien qu’alimenté parfois par des cours d’eau presque aussi gros que lui, est le seul fleuve à traverser le Québec. Les habitants du Bas-Saint-Laurent parlent simplement, presque affectueusement du « fleuve », même si à cette hauteur, il s’agit de l’estuaire. Cette immense étendue d’eau fait partie de leur vie : ils marchent sur ses rives, le naviguent, pêchent sur ses quais, ils habitent même la région surnommée « le Bas-du-Fleuve ».

Les peuples autochtones l’appelaient Magtogoek qui signifie « le chemin qui marche ». C’est par lui que les premiers colons sont venus de France, puis de Québec. Après les avoir transportés, le fleuve les a nourris. Ici, au Kamouraska, dans cette partie précise de l’estuaire où les eaux douces venues des Grands Lacs rencontrent l’eau salée remontant du Labrador, abondaient anguilles, esturgeons, saumons et sardines. Aujourd’hui, le Saint-Laurent compte parmi les plus importantes voies maritimes au monde, réputé pour ses hautes difficultés de navigation.

Son estuaire

Vous direz que je me « pète les bretelles », mais je ne l’invente pas. On est devant le plus vaste estuaire de la planète! Ici devant les villages du Kamouraska, la rive d’en face est à un petit 15 km de distance (il faudra multiplier par cinq pour avoir sa pleine largeur vers l’embouchure). Juste ce qu’il faut pour encore voir se découper les montagnes de la chaîne des Laurentides du Bouclier canadien à l’horizon, le lit grandiose où se couche le soleil les soirs d’été, souvent dans une extravagante beauté. Baudelaire aurait pu écrire ici son « Harmonie du soir ». Si vous insistez, je vous la chanterai…

Dans le même lit se baignent quelques dizaines d’îles où une foule d’oiseaux marins viennent nicher au calme de la zone protégée, entre autres, le bel eider dont le duvet est religieusement récupéré le moment venu pour faire le bonheur de nos nuits froides d’hiver sous la couette.

La plaine littorale

La dernière des plaines constituant une des 7 grandes régions géographiques du Canada :les basses terres du Saint-Laurent. Un peu comme la rive nord du fleuve a sa chaîne des Laurentides, la plaine côtière au sud est adossée sur la chaîne des Appalaches. Le Kamouraska, c’est le cocon tranquille au cœur de tout ça : une quinzaine de villages au décor si joliment orchestré entre les champs de culture, les silos à grains, les églises, les maisons patrimoniales, les cabourons, particularités visuelles si typiques de la plaine kamouraskoise. Après, plus à l’est en descendant le fleuve, plus rien n’est pareil...

Les « cabou » quoi?

Pour moi, c’est le trait le plus distinctif de la région. Vous voyez ces buttes hautes d’au maximum 30 mètres, éparpillées ici et là dans la plaine?  Les habitants les appellent « cabourons », les Premières Nations les nommaient « monadnocks » et, pour les scientifiques, ce sont des « inselbergs » : des reliefs résiduels de roches granitiques dégagés par l’érosion des Appalaches. Comme les activités sismiques sont fréquentes dans la région, les premiers villages, leurs églises et leurs maisons furent construits sur le socle rocheux autour des cabourons les protégeant des vents dominants. Une butte, un village, un clocher!

Les beaux villages du Kamouraska 

Bien qu’issues du Régime français, les seigneuries du Kamouraska ont pris leur réel envol à la suite de la Conquête britannique. Les habitants du premier régime colonial totalisaient à peine 1 500 personnes, qui avaient comme principales activités la pêche à l’anguille et à l’esturgeon, la culture de la prune de Damas et la chasse au petit marsouin, productions destinées aux marchés de Québec. Puis, les Britanniques passèrent par-là! Pour s’assurer de la prise définitive de Québec et de l’ensemble de la colonie, toute la côte fut incendiée à la veille de la bataille décisive des Plaines d’Abraham.

Avec la stabilité politique vint le progrès dans la colonie. Et qui dit « progrès » dit « bourgeoisie qui a grand besoin de vacances » et qui dit « vacances bourgeoises » dit « trempettes de gambettes dans l’eau de mer », la belle saison venue.

Kamouraska devint vite une station de villégiature prisée par les classes favorisées de Québec et Montréal. C’est la raison pour laquelle on est entourés aujourd’hui de ces belles habitations qui s’harmonisent avec grâce au décor bucolique environnant. À l’époque de leur construction, l’objectif d’un nouveau courant architectural anglais dit « pittoresque » était d’ouvrir les demeures à la nature. Que ce soit le cottage de plus petites dimensions ou la villa d’envergure, on se devait d’y avoir entre autres grandes galeries, vérandas et portes-fenêtres donnant sur les jardins. 

Avec le temps, les communautés locales ont pris possession de ce patrimoine. Souvent devenus des commerces tels auberge coquette, boulangerie, chocolaterie, musée, ces anciens bâtiments se laissent aussi apprécier de l’intérieur où règne une ambiance d’antan.

S’amuser à travers les paysages

Pour les prochains jours dans cette « Réserve mondiale de bon temps », le programme sera à votre guise : parcours gourmand dans les villages, pique-nique, flânerie et lecture sur la plage, planche à pagaie sur la mer, randonnée pédestre sur les plateaux, ou sans trop se pousser, des kilomètres à vélo sur la Route Verte, au cœur des grandes cultures en se régalant de ce qu’on appelle le petit patrimoine : hangars, granges et étables, pavillons de jardin, kiosques, laiteries, fournils, fours à pain et croix de chemin.

L’heure est venue de partir vers votre excursion guidée en kayak de mer dans l’archipel. On est à l’étale entre les marées, c’est le moment parfait. Partez à la recherche des guillemots, petits pingouins et eiders. Soyez à l’affût d’une possible échouerie de phoques communs. Revenez avec des photos du large, des battures et de l’estran rocheux, des plages, des marais et des jolies maisons riveraines.

À votre retour, je vous emmène vers les villages des plateaux où trônent ici et là de magnifiques postes d’observation de la plaine dans toute sa grandeur. Ce sera l’heure de l’apéro au coucher du soleil, oui d’accord : je vous chanterai Baudelaire :

Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir
Valse mélancolique et langoureux vertige

Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

Au fait, vous avez déjà vu un champ de lin en fleurs? Je n’en ai pas eu encore la chance, mais c’est sûrement splendide, car les fleurs sont bleues comme la lavande, le parfum en moins, si ce n’est que celui de l’air salin...

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Auteur Valérie Gasse

Après vingt ans à sillonner les routes du Canada comme comédienne au théâtre, Valérie Gasse devient guide-accompagnatrice et n’y découvre rien de moins qu’une seconde vocation. Vingt autres années plus tard, elle est toujours animée par la même flamme qui est celle de raconter son coin de pays, principalement à des visiteurs étrangers. Sa plus grande fierté est de faire découvrir les splendeurs du Québec maritime. Pour celle qui a grandi au pied d’un des plus beaux phares de la côte gaspésienne, son enthousiasme est bien légitime.

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(1) commentaire

Monique Fortier

Magnifique texte qui nous donne le goût, encore et encore, pour ce magnifique coin de pays. Merci Valérie pour ce beau partage, Monique Fortier