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La mémoire de Natashquan
  • Ces bâtiments qui servaient autrefois à entreposer le poisson séché
    Olivier Pierson

La mémoire de Natashquan

Agrippés à l’histoire locale comme ils le sont à leurs rochers, les Galets de Natashquan témoignent d’un passé où la pêche faisait battre le pouls économique de toute une région et de ce charmant village de la Côte-Nord en particulier.

« Les Galets, c’est notre tour Eiffel! » Bernard Landry ne doit pas être le seul à s’enthousiasmer de la sorte. Ce natif de Natashquan, qui leur a consacré un ouvrage* avec Paul Charest, a le cœur qui bat pour ces cabanes de bois classées monument historique depuis 2006. Malgré la distance qui le sépare de sa terre natale (il réside à Baie-Comeau), l’ancien comptable veille religieusement sur ces magasins restaurés en 2012 par une entreprise de l’île d’Orléans. La détermination des habitants à préserver ce lieu est révélatrice de leur attachement à ces bâtiments qui servaient autrefois à entreposer le poisson séché (sur des vigneaux essentiellement) et saumuré, mais aussi le matériel de pêche.

Un long processus de restauration

L’habillage de ces 12 maisons, dans la teinte rouge et blanche qui les caractérise, est confiée aux habitants, qui en restent les propriétaires. Dix propriétaires, issus de six familles, se partagent les Galets encore debout – dont deux appartiennent à Gilles Vigneault, un des fers de lance de cette protection du patrimoine – contre une trentaine à l’époque, en incluant le site de la Grave, utilisé principalement pour conserver les récoltes aquatiques. Précisons qu’avant les travaux de restauration de 2012, une cure de jouvence, assez sommaire faute de moyens, avait été entreprise au milieu des années 70. La nécessité d’une intervention plus approfondie s’est imposée dès le début des années 90 face à la détérioration préoccupante du site. Il faudra pourtant attendre 23 ans avant de voir ces baraques retrouver leur lustre d’antan.

Pêcheurs l’été, chasseurs l’hiver

Apparus avec la fondation de Natashquan en 1855 par des Acadiens venus des Îles de la Madeleine, les Galets témoignent d’un passé florissant pour ce village de la Côte-Nord d’à peine 300 âmes, où le temps semble s’être arrêté. On parle de cette époque où des pêcheurs partaient au large à bord de goélettes, de chalutiers ou de barges en quête de poissons, à commencer par la morue, traquée par ces marins durant tout l’automne, et qui, aux plus belles heures de son commerce, faisait tourner rondement l’économie locale. Outre la morue, dont le marché périclitera dans les années 80, le saumon, plus lucratif, mais aussi le hareng, et même le loup marin au printemps, figuraient au menu des pêcheurs locaux. En période hivernale, ces derniers vaquaient à d’autres occupations, la chasse principalement.

L’enseignant devenu conteur

Pour tout savoir sur l’histoire de ces cabanes, et à travers elles celle du village, on peut aussi écouter Jacques Tanguay. Depuis une vingtaine d’années, cet enseignant à la retraite, qui a longtemps vécu à Sept-Îles avant de revenir au bercail, se mue sporadiquement en conteur pour les besoins des touristes ou dans le cadre d’évènements spéciaux. Figure de la mémoire locale et doté d’une carrure imposante, Jacques Tanguay est le petit-cousin de Bernard Landry. C’est d’ailleurs lui qui veille sur le Galet que possède ce dernier, réaménagé en un petit musée où cohabitent quelques objets d’un temps révolu, mais aussi des photos d’archives. « Il avait un usage différent des autres, car il appartenait au marchand général », précise-t-il, avant d’ajouter, sourire aux lèvres : « Il a même servi à un moment donné à entreposer de la dynamite en raison de sa position isolée. »

Un autre bâtiment, plus petit que les autres et situé en face du magasin de Bernard Landry, attire le regard. « C’est une glacière où l’on entreposait de la neige pour conserver le saumon », éclaire Jacques Tanguay. À l’époque, la plupart des pêcheurs en détenaient une, et c’est la seule aujourd’hui que l’on peut observer. Comme la majorité des natifs de ce village, Jacques Tanguay a placardé sur cet éperon rocheux de 100 mètres carrés pas mal de souvenirs d’enfance, à commencer par ce flétan imposant, « de 200 à 300 livres », suspendu par la queue et qui trainait par terre. Ou encore ces rassemblements qui animaient ce qui devenait une île avec les grandes marées. « Quand les conditions météo n’étaient pas bonnes, les pêcheurs en profitaient pour effectuer quelques réparations, changer le poisson de saumure ou tout simplement boire un verre et conter des histoires… » Bref, la vie suivait son cours.

Un refuge pour les contemplatifs

Pendant un instant, on ressent presque la présence des fantômes de Natashquan sur cette île de pierre, comme l’a baptisée Gilles Vigneault dans un très joli poème, lequel sert d’introduction à l’ouvrage co-écrit par Bernard Landry. Une île « qui recèle les joies et les travaux, les peines et les amours des gens de ce village ». Dans ce décor de carte postale où les maisons sont reliées entre elles par une allée de bois, les magasins des Galets n’ont rien perdu de leur charme. Magnétiques quelle que soit la couleur du ciel, imperturbables face aux bourrasques qui décoiffent parfois ce petit coin de paradis, ils constituent un promontoire tout indiqué pour contempler la nature, entre mer et terre, le vent dans les voiles de l’imagination.

*Le site patrimonial des Galets de Natashquan : son histoire, ses fonctions, ses caractéristiques. Disponible sur place à la Copacte.

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(1) commentaire

Luciano

Tre joli en 79’ le navire allez une fois a la semaine Pendant une heure avant que le bateau allait partir de nouveau j’avais prix le repas a l’auberge de jeunesse “ l’ echourie du galet. Une tres belle souvenir dont j’ai encore des photos