Le blogue du Québec maritime

Ces gens qui protègent le patrimoine culturel à leur manière
  • Parc national Forillon
    Mathieu Dupuis

Ces gens qui protègent le patrimoine culturel à leur manière

Portraits d’acteurs de changement

« On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l'on aime. »

- Jacques-Yves Cousteau, explorateur océanographique
(France-sur-Mer : Un empire oublié, 2009)

Avec des gens de tout horizon qui ont foulé son sol et peuplé ses terres, guidés bien souvent par la mer, le Québec maritime a en réserve une foule d’histoires à découvrir! Heureusement, bon nombre de lieux témoins du passé sont préservés et vous ouvrent leur porte, vous partageant d’innombrables récits, entre autres grâce au travail de véritables passionnés. Découvrez le portrait de ces gens qui se donnent pour mission de préserver le patrimoine culturel de nos régions!

La mémoire bien vivante

En 1989, Serge Guay arrive d’abord comme responsable de l’équipe d’animation au Site historique maritime de la Pointe-au-Père (nommé « Musée de la mer » à l’époque). L’année suivante, il devient directeur et, depuis, ce lieu incontournable du Bas-Saint-Laurent ne cesse de se renouveler, tout en demeurant aussi pertinent. « On est dans un lieu avec de grandes histoires qui portent autant sur le pilotage que sur les phares et le naufrage de l’Empress », affirme le professeur de formation.

Le site comporte en effet plusieurs installations, entre autres le phare de Pointe-au-Père (Parcs Canada), le 2e plus haut au Canada, le sous-marin Onondaga – ancien sous-marin de la Marine royale canadienne qu’il est possible de visiter – et un musée relatant la plus grande tragédie maritime du pays. La nuit du 29 mai 1914, l’Empress of Ireland a coulé en 14 minutes suite à une collision avec un autre navire, faisant ainsi 1 012 victimes. L’épave est toujours au large de Sainte-Luce et, au fil des années, des plongeurs y ont récupéré des objets formidables qui sont aujourd’hui exposés au musée.

Pour Serge et son équipe, le côté humain derrière cette histoire est très important : « On continue, par le biais d’un site Internet dédié aux descendants des passagers de l’Empress, à récolter des objets, des lettres, des photos. Notre enjeu, c’est de conserver ces artéfacts, de les protéger et de les mettre en valeur ». Et cette mission de protection s’applique aussi à l’Onondaga, cet objet de collection qui mesure 90 mètres de long et pèse 1 400 tonnes, et qui n’est pas à l’abri des marées et des intempéries. « C’est tout un défi! ».

Et d’où lui vient cette passion de faire connaître notre patrimoine? « C’est dans mon ADN de prof d’informer les gens, de leur apprendre des choses. C’est naturel et je continue ici à remplir cette mission-là. »

Serge Guay est aujourd’hui à la retraite. Nous saluons son apport important au Site historique maritime de la Pointe-au-Père et à la préservation du patrimoine, et ce, pendant plus de 30 ans. Merci Serge!

Le parcours humain en lumière

« Aujourd’hui, j’occupe ce qui est véritablement pour moi un emploi de rêve », affirme Émilie Devoe en parlant de son travail de conseillère en gestion des ressources culturelles pour Parcs Canada. « Les ressources culturelles, ce sont tous les éléments qui nous aident à comprendre d’où on vient, à comprendre comment les gens vivaient avant nous, et qui nous permettent de tisser des liens avec les lieux, les personnes et les événements qui ont façonné notre histoire. » explique-t-elle.

Émilie est notamment attitrée au parc national Forillon, en Gaspésie, un lieu fascinant fréquenté par l’humain depuis plus de 4 000 ans. Mi’gmaq, Français, Anglais, Jersiais, Écossais, Irlandais, Canadiens français et autres y ont laissé leur trace. « Forillon, c’est vraiment un grand livre d’histoire. Des histoires qui sont inscrites et visibles dans chaque anse, chaque sentier, chaque bâtiment, chaque site archéologique, chaque objet présenté en exposition. » affirme-t-elle. Que ce soit la maison Blanchette, le magasin général Hyman & Sons, la batterie de défense côtière de Fort-Péninsule ou le phare de Cap-Gaspé, vous trouverez dans ce parc une foule de sites patrimoniaux dévoilant des parcelles d’histoire et témoignant du mode de vie des pêcheurs de morue et des cultivateurs qui s’y sont établis.  

« J’ai toujours été intriguée et émue par le parcours des humains. J’ai vraiment un très très grand respect pour les générations qui nous ont précédés. Ce sont des gens qui avaient du courage, qui avaient tellement de cœur à l’ouvrage, et de persévérance. Tout ça m’inspire énormément ». Et cette histoire de nos prédécesseurs, Émilie est heureuse de pouvoir la partager et la faire connaître : « Ce qui me rend fière, c’est quand je vois que nos visiteurs découvrent nos sites patrimoniaux avec la même émotion et le même sentiment d’émerveillement qu’ils peuvent ressentir par exemple devant nos belles forêts, nos bords de mer, nos grands espaces ».

Au cœur de la culture innue

Détenant une maîtrise en arts visuels, Lydia Mestokosho-Paradis a toujours baigné dans cet univers et dans celui du tourisme. Depuis 2016, elle est agente culturelle à la Maison de la culture innue d’Ekuanitshit (Mingan), en Côte-Nord. Construit sur l’ancien site de campement d’été des Innus, ce lieu d’une grande importance favorise les échanges interculturels et intergénérationnels. « C’était un désir d’avoir une maison construite par les Innus et pour les Innus et d’y enseigner la culture et la langue. Parce qu’on voyait déjà beaucoup de changements au niveau de la transmission culturelle. On voulait avoir un lieu sûr pour que l’enfant innu puisse être lui-même. » explique Lydia.

En plus d’être très significative pour la communauté, la Maison de la culture innue ouvre aussi ses portes aux visiteurs, pour qu’ils soient en contact avec l’histoire et les traditions de ce peuple ancestral. Grande exposition, boutique d’artisanat où les ainés et les habitants d’Ekuanitshit vendent le fruit de leur travail, ainsi que des installations extérieures incluant un Shaputuan font partie des éléments à visiter. Mais il y a aussi bien sûr la rencontre et les discussions avec les Innus. « On est un peuple vivant, on est un peuple accueillant! », affirme-t-elle, le sourire dans la voix.

Pour Lydia, la culture innue « c’est quelque chose de sacré, qui n’est pas toujours matériel, qui est surtout immatériel. C’est un mode de vie, un mode de pensée différent. C’est quelque chose qu’on doit s’assurer de transmettre, en s’adaptant à la modernité. C’est une fierté. » Si vous êtes curieux de découvrir cet univers, elle vous invite à « venir le cœur ouvert et à prendre le temps d’être ici ».

  • Faites donc un arrêt à la Maison de la culture innue pour saluer les gens de la communauté lors d’un prochain voyage en Côte-Nord!

Un savoir-faire ancestral

« Ben à Ben, fils et petit-fils de boucaneurs », c’est ainsi que Benoit Arseneau se présente, ce qui laisse déjà transparaître tout son respect pour son héritage familial. Aujourd’hui, ses frères et lui sont propriétaires du Fumoir d’Antan aux Îles de la Madeleine, où l’on boucane le hareng et autres poissons et mollusques, en plus de faire connaître aux visiteurs les secrets de cet art.

« On a un site qui a été fondé par mon grand-père en 1942, on a baigné dans le boucanage du hareng dès notre tout jeune âge. Mais les fumoirs ont fermé et on a dû faire le deuil de l’entreprise familiale » explique Ben à Ben, qui revient sur l’époque où la ressource a disparu des eaux des Îles dû à la surpêche. « J’ai vu mon père pleurer sur le coin de la table de la cuisine parce qu’il venait de fermer ce qui lui tenait le plus à cœur après sa famille. Le désir de perpétuer la tradition familiale était fort. Je dis familiale, mais c’est plus que ça. Il y avait 40 boucaneux aux Îles de la Madeleine, 2 000 personnes qui travaillaient dans l’industrie du hareng boucané. Donc ça va au-delà de la famille. C’était un savoir-faire qu’on s’était approprié dans la région ».

C’est donc au milieu des années 1990, alors que le hareng est de retour en petite quantité aux Îles, que les frères Arseneau restaurent les bâtiments traditionnels, apprennent les rudiments du boucanage avec leur père, et ouvrent au public. « On ne sera jamais une production de masse. Nos produits vont demeurer des produits artisanaux, c’est la base de notre équilibre. Ça aurait été facile de juste faire de la production, mais on avait à cœur de partager ce savoir-faire-là, et de transmettre nos valeurs familiales et celles qui nous ont été conférées par nos prédécesseurs. » explique Ben à Ben, toujours heureux d’accueillir les visiteurs dans ce lieu chargé d’histoire… et d’odeur de hareng qui boucane bien tranquillement.

  • Jetez un coup d’œil à ce qui vous attend à l’ÉCONOMUSÉE® de la boucanerie du Fumoir d’Antan et parcourez les différents produits

 

Des histoires comme celles-là et des passionnés qui souhaitent vous les partager, il y en a aux quatre coins de nos régions. Passez échanger avec eux lors d’un prochain voyage et continuez d’être curieux pour que ces pans importants de la vie de nos ancêtres demeurent toujours vivants.

Auteur Marie-Eve Lagacé

Gaspésienne d’origine, Marie-Eve Lagacé adore l’écriture autant que son coin de pays! Imaginez la joie qu’elle ressent alors qu’elle peut combiner les deux en rédigeant des billets pour le du blogue du Québec maritime! Ses sujets de prédilection? Les gens, la culture locale et les trésors insoupçonnés, voire insolites, que cachent nos régions. Bien qu’elle soit plus du type à relaxer avec un petit café et un bon livre, elle aime aussi se balader à la découverte de nouveaux paysages, ou encore nager avec les saumons de la rivière Matapédia!

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