Le blogue du Québec maritime

L’exotisme et le charme de Havre-Saint-Pierre
  • Réserve de parc national de l’Archipel-de-Mingan
    Sébastien St-Jean/Tourisme Côte-Nord

L’exotisme et le charme de Havre-Saint-Pierre

Suivez le guide!

Au milieu des années 1960, je n’ai pas encore 10 ans et mon frère aîné arrive un jour dans la famille avec une nouvelle flamme. On tombe tous sous le charme! Blonde et grande de taille, je la crois venir des Vikings. Surtout, elle parle avec un accent bien différent du nôtre. Ça me fait rire. Et voilà que tout ce qu’elle nous raconte de sa Minganie, en Côte-Nord, se pare d’un exotisme fou!

Elle parle de couteaux pêchés dans le sable, de chicoutai cueillie dans les savanes, de forêt d’épinettes noires où il n’y a pas d’érables. « Chez nous, les couleurs d’automne sont au sol dans les mousses et les lichens » nous dit-elle. Il n’y a pas de pommiers non plus. Les provisions de pommes, ils les ramènent de l’extérieur, en bateau ou en avion. « Mais pourquoi le bateau ou l’avion? T’habites sur une île? » Pas du tout! J’appris qu’à l’époque, pour aller chez elle, il n’y avait simplement pas de route. « Peut-être un jour », répondait-elle dans un grand éclat de rire…

Mais là où ses yeux s’illuminaient le plus, c’est lorsqu’elle nous racontait son bord de mer visité par les grosses baleines qui nagent autour de dizaines d’îles, où il y a des « pots de fleurs » géants. Il y en a même une qui est habitée par des « perroquets de mer »!

Nos grands yeux ébahis la faisaient rire. Secrètement, j’en conclus que la « blonde » de mon grand frère venait peut-être carrément d’une autre planète…

Les grands espaces nordiques

Plus tard, j’ai vu par moi-même ce lieu extraordinaire qu’elle nous décrivait... Assurément, cette rive nord du Saint-Laurent offre d’autres décors que ceux de ma côte gaspésienne natale et transporte mon esprit à la frontière du réel et de l’imaginaire. La taïga en bord de mer! Le dépaysement est complet. L’arrière-pays est assis sur la roche mère du vieux Bouclier canadien, socle granitique acide responsable de la végétation bien spécifique de cette portion de la Côte-Nord.

Une grande partie du côté mystérieux de la forêt vient de la domination des épinettes noires, espèce endémique à l’Amérique du Nord. Je me convaincs que cet arbre poussant de manière souvent clairsemée, avec une tendance à rabougrir, est probablement le préféré des sorcières et que, de l’autre côté de cette forêt, c’est la toundra arctique… C’est en tout cas ce que laisse envisager la présence des grandes tourbières que les locaux appellent les « savanes ».

L’archipel de Mingan : l’effet Wow!

Sur son socle rocheux, la région profite d’une large bande de dépôt sédimentaire exposant vers la mer des kilomètres de plages de sable fin et une formation géologique des plus spectaculaires : l’archipel de Mingan. Plusieurs centaines d’îles, d’îlots calcaires, de rochers, de cayes et de récifs longent la côte sur près de cent kilomètres. Avec la plus importante concentration de monolithes d’érosion au Canada qui font d’ailleurs sa renommée, l’archipel est aussi un immense sanctuaire pour plus de 200 espèces d’oiseaux, dont le célèbre et rigolo petit macareux moine qui en est l’emblème.

Ajoutez à ce grand décor le saut des baleines ainsi que les phoques au repos sur les cayes et vous avez tous les éléments d’un conte merveilleux, à s’imaginer le soir sous la tente…

Le pêcheur poète et ses pots de fleurs

Roland Jomphe, décédé en 2003 à l’âge de 86 ans, était fils de pêcheur et pêcheur lui-même dans sa jeunesse. Ému par la beauté des îles de l’archipel, c’est tout naturellement qu’il en devint le chantre.

À l’ouverture de la mine de titane sur le territoire du Havre en 1948, il a vu les pêcheurs abandonner le métier. Les pêcheurs étant ceux qui connaissaient le mieux l’archipel, il lui apparut que si les îles étaient délaissées, tout était fini. Il se mit à photographier, à raconter et surtout à écrire « la petite histoire qui allait se perdre au bout de la mémoire ». C’est lui qui a nommé « pots de fleurs » les monolithes sur lesquels pousse de la végétation.

En Minganie, on s’entend pour dire que Roland Jomphe a grandement contribué à la reconnaissance et à la préservation d l’archipel par les autorités. En 1984 est créée la réserve de parc national de l’Archipel-de-Mingan, troisième grand parc national canadien au Québec. Cet unique patrimoine maritime devient un vaste laboratoire de recherche accessible à tous et ouvre la voie à l’industrie touristique.

Les Acadiens, la mer, leur havre

Il faut le dire, les Acadiens connaissent bien la mer… C’est par elle qu’ils sont arrivés de France et par elle aussi qu’ils furent déportés par les troupes de l’armée britannique en 1755. Longtemps par la suite, leurs routes se sont multipliées pour revenir au plus près de leur source francophone en toute quiétude. C’est ainsi que Havre-Saint-Pierre fut fondé par des Acadiens venus des Îles de la Madeleine. Ils se feront appeler les « Cayens ».

Qu’est-ce qui distingue les Cayens? Assurément leur accent incomparable. Quand ils parlent, ça chante! Et puis, leur attachement à la mer qui a nourri les générations et inspiré leur musique et leurs chants. Quand les Cayens sortent leurs violons, on peut « veiller tard »…

Des vacances paisibles en nature

Au fait, la route a fini par se rendre en Minganie! Elle s’arrête maintenant à Kegaska, au grand bonheur de tous. Des kilomètres de zénitude le long d’un littoral majestueux! À votre tour maintenant. Laissez tomber vos guides de voyages, arrêtez dans chacun des villages, marchez sur les longs trottoirs de bois en bord de mer et parlez avec les habitants. Laissez-les vous dire l’heure des marées, les meilleurs poissons et fruits de mer de la côte (où les trouver), les bienfaits du thé du Labrador et comment déguster la fameuse chicoutai. Ils vous indiqueront la Station de recherche dédiée aux baleines, la plus belle église, les meilleurs restaurants, les havres de pêche. Si vous demandez, ils vous diront tout. Ils aiment la visite.

Installez-vous, le temps de vous synchroniser au rythme de la mer, de reconnaître les oiseaux, d’espérer une étoile filante ou mieux encore, une aurore boréale. Collez-vous aux excellents guides-naturalistes du parc national. Ils vous révéleront tout de la faune et des plantes rares. Comme on dit : « vous vous coucherez moins niaiseux »! Cassez la croûte sur votre île favorite, apportez de la lecture et des jumelles. Le bonheur peut être si simple et paisible…

Parlant de bonheur, la « flamme » de mon frère est finalement devenue ma belle-sœur. Ils sont établis à Havre-Saint-Pierre depuis presque 50 ans. Ils ont conçu trois grands Cayens et ont maintenant toute une belle descendance!

P.S.  Il n’y a plus aucun problème d’approvisionnement en pommes sur la côte!

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Auteur Valérie Gasse

Après vingt ans à sillonner les routes du Canada comme comédienne au théâtre, Valérie Gasse devient guide-accompagnatrice et n’y découvre rien de moins qu’une seconde vocation. Vingt autres années plus tard, elle est toujours animée par la même flamme qui est celle de raconter son coin de pays, principalement à des visiteurs étrangers. Sa plus grande fierté est de faire découvrir les splendeurs du Québec maritime. Pour celle qui a grandi au pied d’un des plus beaux phares de la côte gaspésienne, son enthousiasme est bien légitime.

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(7) commentaires

aimé Jomphe frère du Poète Roland Jomphe

Bon reportage sur Le Havre et la région

Marie

Article vraiment magnifique a la mesure de cette belle région qui est la notre.

Chicoine

Que de souvenirs le couvent du Havre et les gens très accueillant,merci

Louis Cyr

Magnifique description de notre village et coin de pays

André-Julien Harvey

Très bon reportage.

joël LE NUZ

Bonjour Valérie. Il y a 5 ans ns avons eu la chance de faire un circuit avec vous. Nous en avons gardé un souvenir merveilleux. Ns aimerions renouveler l expérience et decouvrir d autres paysages.

Jasmine

Bravo, Valérie ! Ça donne le goût d’y aller ! Zioum ! Zioum Zioum ! Pis ça finit là ! ❣️