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La Haute-Gaspésie : plus qu’une carte postale
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La Haute-Gaspésie : plus qu’une carte postale

Suivez le guide!

La beauté particulière des paysages de la Haute-Gaspésie, de Cap-Chat à Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine, a si souvent été photographiée pour des campagnes de promotion en tous genres, qu’il a bien fallu que je me rende à l’évidence : j’ai grandi dans une carte postale.

Le pays de l’enfance

J’ai traversé mon quotidien d’enfant au son des barges de pêcheurs qui rentraient du large et de la corne de brume les jours de brouillard. Je combattais le sommeil, fascinée par le mystérieux signal lumineux du phare qui entrait par la fenêtre de ma chambre. Vers la grève, je m’étourdissais du parfum iodé des rubans de varech séchant au soleil en scrutant au quai les accostages de goélettes venues se remplir de bois. Mon paysage était rythmé par les grandes marées d’automne et les blizzards de l’hiver. Au printemps, c’était l’espoir des prochaines cueillettes de moules et de bourgots une fois la banquise partie. Plus tard, c’était les feux de grèves de l’été et les guimauves grillées après les couchers de soleil sur la mer, et le retour des touristes dans leurs voitures « pleines de vacances » qui filaient sur la route devant notre maison!

On les trouvait donc chanceux! Sans le savoir, j’étais la petite actrice qui déambulait dans la carte postale…

Apprendre à lire ce paysage d’une si grande beauté

Blanche Lamontagne, première poétesse québécoise ayant grandi à Cap-Chat, déclarait célébrer sa Haute-Gaspésie en sa « rude beauté »*.

Effectivement, cette portion spécifique du nord de la péninsule d’une beauté si poignante est issue d’une histoire géologique et géomorphologique d’exception. Ce paysage de montagnes qui viennent tomber dans la mer fut formé du début de l’ère primaire, il y a 450 millions d’années, jusqu’à 10 000 ans avant aujourd’hui, de la première orogenèse des Appalaches jusqu’au décor façonné par la dernière glaciation. 

De ce long processus est survenu une enfilade de collines, de caps et de falaises longeant le littoral sur quelque 130 kilomètres. S’enchaînent tout à la fois une série de baies et d’anses plus ou moins échancrées, donnant sur d’étroites vallées glacières (autrefois des fjords) où coulent paisiblement maintenant des rivières. Elles sont souvent bordées par d’anciennes terrasses marines, elles-mêmes enlacées par les montagnes. C’est au cœur de cette rude et grandiose beauté que se sont implantés les villages et hameaux appartenant à la Haute-Gaspésie.

La fameuse corniche des cartes postales à la genèse du tourisme

En 1929 sera inaugurée la route qui ceinture la péninsule gaspésienne, donnant le coup d’envoi à l’industrie touristique régionale. La Haute-Gaspésie, avec son relief montagneux, forcera la construction du tronçon routier directement sur la grève, à fleur d’eau. Depuis, cette magnifique portion de route 132 s’étirant sur une centaine de kilomètres ne cessera de se classer parmi les plus spectaculaires routes en corniche du Canada. Avec ce grand succès arrivera la tendance lourde chez les visiteurs de boucler leur fameux « tour de la Gaspésie » en 3 ou 4 jours seulement…

Un pôle d’excellence en récréotourisme

Avec le tournant du nouveau siècle, les paradigmes de l’industrie touristique changent.  D’observateurs passifs et pressés, les voyageurs sont plutôt devenus chercheurs d’expériences riches et marquantes. Enfin, la voie s’ouvre pour que la Haute-Gaspésie ne se résume plus seulement à sa pittoresque corniche où on s’arrête le temps de quelques clichés!

Dans la perspective d’un développement durable, il aura suffi d’une vingtaine d’années pour que la région se positionne fièrement comme « pôle d’excellence en récréotourisme » quatre saisons.

Avec un fleuve qui se prend pour l’océan et une mer de montagnes, le choix d’activités est vaste et favorise agréablement les séjours prolongés.

Côté mer : attachez bien votre tuque! 

Déjà côté mer, que ce soit grâce aux sports de vent ou aux autres activités nautiques, experts ou apprentis ont amplement de quoi se régaler. Et il ne manque pas de fournisseurs de services!

Dans un ordre d’idées plus simple, sans qu’il n’en coûte rien, suivez les locaux au bout des quais pour la plaisante pêche au maquereau. De même, moyennant une jasette avec un mordu du coin, vous pourriez vous initier à la pêche à la truite de mer à partir des « cayes », terme local désignant l’estran rocheux. Posté sur une roche, les narines humant l’air salin en attente de la visite d’une truite, il n’y a pas d’heures plus paisibles. Peut-être même serez-vous épié par un phoque au repos...

À moins de vous mesurer au saumon, le seigneur des rivières qui confère à la région sa renommée internationale. Les rivières Cap-Chat, Sainte-Anne et Madeleine comptent plus d’une centaine de fosses à accès contingenté. Compréhension du milieu, respect et savoir-faire seront vos principaux atouts.

Côté montagnes : attachez bien vos bottines!

La région a la chance de donner un accès direct au fameux parc national de la Gaspésie, par Sainte-Anne-des-Monts. Si vous êtes randonneur, 25 sommets de plus de mille mètres vous attendent. D’en haut, après l’effort, l’exaltation est garantie! Ce sentiment vous attend aussi du côté du mont Saint-Pierre où il est possible prendre son envol en deltaplane!

Randonnées, canyoning, canot, observation de la faune, activités de découvertes; les possibilités sont nombreuses et à la portée de tous en Haute-Gaspésie. Et l’hiver, vous n’êtes pas en reste puisque les Chic-Chocs sont reconnus comme le paradis du ski hors piste dans l’est du Canada!

Mes coups de cœur?

Trois magnifiques phares bordent le littoral à Cap-Chat, La Martre et Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine. Ils furent construits à la fin du XIXe siècle. Vous aurez compris que cette portion fluviale a compté parmi les zones les plus périlleuses pour la navigation. Nombreux sont les bateaux qui s’y sont échoués. Cimetière d’épaves s’il en est, la région est un réel laboratoire en archéologie sous-marine.

Bien qu’ayant perdu leur première utilité, ils demeurent les flambeaux du patrimoine maritime. On s’y arrête volontiers pour prendre les plus spectaculaires photos de la côte. S’il en est un qui marque l’imaginaire, c’est celui de mon village, La Martre, avec sa structure octogonale tout en bois d’épinette, son revêtement de bardeaux de cèdre, son mécanisme d’origine signé Augustin Fresnel et – ce qui n’est pas pour déplaire aux photographes – sa couleur rouge qui lui donne un aspect unique… Une célébrité!

Un secteur où poser ses bagages

Pour combien de temps me demanderez-vous? Une semaine c’est bien, mais deux c’est mieux! Le secteur n’a rien d’une station balnéaire pour tourisme de masse. Il demeure un milieu de vie sauvage et fragile, avec des communautés riveraines minuscules.

Mais cela n’empêche en rien aux habitants d’y diriger avec passion de petits commerces de services, des entreprises de plein air, des boutiques d’art ou de sympathiques restaurants. Ils vous attendent. Pour répondre à vos besoins, mais aussi pour le contact et les jasettes qui tissent des liens, voire même des nouvelles amitiés. Questionnez pour connaître et apprendre ce qui ne se retrouve pas dans les brochures touristiques : la recette de morue rôtie et la cuisson du homard, le petit chemin qui mène à un lac ou personne ne va ou le point de vue le plus joli sur le village.

En fait, devenez, vous aussi, des « acteurs dans la carte postale ».

Bonne découverte de la Haute-Gaspésie! Vous aurez envie d’y revenir, je vous le garantis…

 

*Tiré du poème « Rusticité » par Blanche Lamontagne dans Ma Gaspésie, Montréal : BeQ, 1928
(https://beq.ebooksgratuits.com/pdf/Lamontagne-Gaspesie.pdf).

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Auteur Valérie Gasse

Après vingt ans à sillonner les routes du Canada comme comédienne au théâtre, Valérie Gasse devient guide-accompagnatrice et n’y découvre rien de moins qu’une seconde vocation. Vingt autres années plus tard, elle est toujours animée par la même flamme qui est celle de raconter son coin de pays, principalement à des visiteurs étrangers. Sa plus grande fierté est de faire découvrir les splendeurs du Québec maritime. Pour celle qui a grandi au pied d’un des plus beaux phares de la côte gaspésienne, son enthousiasme est bien légitime.

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(7) commentaires

Johanne Gasse

Magnifique tournée si bien décrite et qui donne envie.... Bravo une belle plume!

Bernadette

Article très intéressant. Ça me donne envie de retourner dans ce coin de paradis et c’est chez-nous, au Québec. Merci Valérie.

Ginette Allaire

Comment ne pas apprécier ce texte et ces images. Merci madame Gasse de faire connaître notre Gaspésie avec autant de ferveur!

Wilfrid

L’écriture d’une véritable passionnée. Un texte qui n’a pas besoin de photo. Bravo Valérie.

leonie gasse

on y entend les vagues......on sent le varech.....bravo un texte si vivant....

Raymonde Pelletier Talbot

Félicitations et merci pour ce magnifique texte sur notre belle Gaspésie, j'ai vraiment adoré.

Dominique

Comme si on y était. Bravo